COUP DE COLÈRE par Heidi FORTUNÉ Magistrat, Juge d’Instruction Cap-Haïtien, Haïti
- Le mieux est parfois, on le sait, l’ennemi du bien.
Mais a-t-on réellement voulu le mieux en n’assortissant pas la réforme de la justice des mesures d’accompagnement indispensables à son efficacité ? Nous en doutons sérieusement. Nous en doutons tellement que nous sommes à nous demander : est-ce que nous n’avons pas été leurrés, dupés par les deux autres pouvoirs, en particulier, l’Exécutif ?
Ils nous ont fait beaucoup de promesses mais ils n’en ont tenu aucune jusqu’à présent. Le tribunal de paix de l’Acul du Nord se trouve toujours au cœur d’un marché public et d’un cimetière.
Ah ! Si les morts pouvaient parler !
A Port-Margot, le Juge de Paix prend siège au commissariat de police ou chez lui, fièrement, sous un manguier, faute de local. Nous sommes revenus à l’âge de la pierre.
Au Cap-Haïtien, un Juge d’Instruction a été l’objet d’agressions verbales à l’intérieur d’un véhicule de transport public, et ce, dans l’exercice de ses fonctions, pendant qu’il se rendait sur les lieux d’un crime, en quête d’indices concernant un dossier dont il a la charge.
Cela est arrivé parce que la loi portant statut de la magistrature, le gouvernement, les responsables du ministère de la justice ne reconnaissent pas le travail du Magistrat Instructeur, minimisent sa valeur et ne respectent pas son honorabilité et sa puissance.
Cependant, quand il s’agit de festivités burlesques, de petits projets démagogiques, de fictions politiques ou autres mondanités, on ne lésine pas sur les moyens. Le pouvoir central accorde des largesses et des avantages inimaginables à des individus qui n’ont aucune utilité… vraiment aucune pour la société.
Dans la réalité, le travail d’un Président de la république, d’un parlementaire, d’un ministre, d’un secrétaire d’État, d’un directeur général, d’un doyen, d’un commissaire du gouvernement, d’un commissaire de police, d’un délégué départemental, d’un directeur de douane ou des télécommunications et j’en passe… n’est rien plus…, comparé à celui d’un Juge d’Instruction. Pourtant, pourtant…
Nous ne nous attendions pas réellement à un changement radical de notre système judiciaire mais plutôt à des aménagements permettant d’assurer la meilleure justice possible. Malheureusement, les engagements pris par l’État à l’égard de la justice continuent de jour en jour à ne pas être respectés et ne sont toujours pas effectivement mis en œuvre. Plus de deux mois après la publication des lois de réforme, les Magistrats, principalement les Juges d’Instruction, malgré leur mobilisation, sont confrontés à d’inadmissibles difficultés dans l’exercice de la profession.
Aujourd’hui, nous crions notre ras-le-bol de cette situation. Et nous sommes vraiment en colère. On ne fait pas une réforme pour le plaisir de réformer. On la fait parce qu’il y a un besoin urgent de changer les choses. Nos dirigeants et nos hommes politiques se démontrent tous des méchants qui ne pensent pas au pays.
« C’est la méchanceté qui est une culture en Haïti et non la cherté de la vie ». DocHaiti/01-03-08 http://heidifortune.blogspot.com
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