«Pas d’argent pour la terreur»

«Pas d’argent pour la terreur»

Jeudi 28 mars, les membres du conseil ont adopté à l’unanimité une résolution, sous chapitre VII, qui autorise le recours à des sanctions en cas de non-respect des dispositions. Aux termes de la résolution, les états doivent veiller à ériger en infractions pénales graves, la fourniture ou la collecte délibérée, directe ou indirecte, de fonds, de biens financiers ou de ressources économiques ou financières directement ou indirectement, dans l’intention d’utiliser les fonds, ou sachant qu’ils le seront au bénéfice de personnes ou d’entités terroristes, même en l’absence d’un lien avec un acte terroriste précis. « Ce texte est le premier à adopter une approche globale et à se pencher sur tous les aspects de la lutte contre le terrorisme et les nouvelles modalités de son financement », a estimé le ministre des affaires étrangères français Jean-Yves Le Drian, qui présidait la réunion et a appelé les pays à adapter leur droit aux nouvelles réalités du terrorisme.

«Le défi est grand. Notre détermination doit l’être toute autant», a-t-il dit, en insistant sur le fait que la communauté internationale doit isoler les terroristes en asséchant leurs sources de financement. Selon des estimations de représentants français aux Nations unies, Daech disposerait encore de 50 à 300 millions de dollars de réserves financières. Les différents groupes terroristes comme Al-Qaïda et AQPA (son antenne dans la péninsule arabique) auraient engrangé plusieurs centaines de millions de dollars des rançons et différentes actions sur le terrain.

Contrairement aux déclarations du chef de la diplomatie française, ce n’est pas la première fois que le Conseil de sécurité adopte un tel texte. Dans la foulée des attentats du 11 septembre 2001, les membres du Conseil avaient adopté à l’unanimité la résolution 1373 sous chapitre 7 –qui obligeait les États à prendre des mesures nationales pour lutter contre le financement du terrorisme. Afin de vérifier que ces États se dotaient d’un dispositif de base et prenaient des mesures contre son financement, le Conseil de sécurité avait autorisé la création du Comité Contre le Terrorisme (CCT), lequel était appuyé dans son action par la Direction Exécutive du Comité contre le Terrorisme (DECT) chargé d’analyser et d’évaluer la mise en œuvre des mesures antiterroristes prises par les pays et de vérifier que les lois adoptées répondaient aux exigences du CCT.  

Si dans un premier temps les déplacements des membres de la DECT avaient eu un effet incitatif sur les pays puisqu’ils mettaient l’accent sur les failles du dispositif, et dans la législation, ils n’avaient pas vraiment été suivis d’effets. “Nous avons vérifié que les lois adoptées par ces pays répondaient aux exigences des résolutions. Nous avons identifié leurs défaillances, leurs lacunes et discuté de leurs capacités à combattre le terrorisme. Mais n’oubliez pas que les États sont souverains et que nous ne pouvons pas les forcer à appliquer les résolutions,» expliquait á l’époque un expert onusien.

Probablement pour ne pas réitérer les mêmes erreurs, la résolution qui vient d’être votée appelle les Etats membres à créer des cellules de renseignement financier pour combattre l’entretien du terrorisme, et à mieux coopérer avec le secteur privé. Elle appelle en outre les Etats à agir contre l’anonymat des transactions à travers l’usage de cartes prépayées, services bancaires mobiles, crypto monnaie, nouvelles start-up financières type TransferWise et MoneyGram, et empêcher le paiement de rançons qui constituent la principale source de revenus pour l’EI.

« Cette résolution arrive à point nommé », a estimé Vladimir Voronkov, haut responsable de l’ONU en charge du contre-terrorisme, car « les flux financiers continuent à parvenir aux terroristes par des moyens légaux et illégaux ». « La fin du « califat » autoproclamé de l’EI ne doit pas conduire les Etats membres à baisser la garde, a pour sa part affirmé M. Le Drian, qui considère que ce serait une erreur de croire que le terrorisme est vaincu.

La lutte contre le financement du terrorisme a soulevé des questions parmi les membres de la société civile qui y voit un risque d’entrave au travail des ONG sur le terrain, et pour les droits humains : « Les mesures adoptées ne doivent pas fournir de nouveaux prétextes aux Etats les moins respectueux des droits humains et des libertés fondamentales pour réprimer toute opposition et cibler des groupes ou des individus facilement qualifiables de terroristes, a fortiori en l’absence de définition en droit international », a rappelé Stéphanie David, pour la Fédération Internationale des droits de l’homme (FIDH). Mercy Buku, experte de la lutte contre le blanchiment d’argent, a quant à elle mis en garde contre une interprétation trop répressive du texte : « Les services bancaires mobiles sont le facteur qui contribue le plus au développement »notamment en Afrique subsaharienne, a t-elle expliqué.

Le principal défi réside à présent dans la mise en œuvre de ce texte par les Etats membres. « Un cinquième des pays seulement applique les mesures de sanctions et engage des poursuites contre les responsables du financement du terrorisme, » a reconnu Mr. Le Drian qui a demandé aux Etats membres d’être à la hauteur de leurs responsabilités.

  • Célhia de Lavarène
  • 29 mars 2019

collaboration spéciale International Diplomat Global