UN GOUVERNEMENT CRIMINEL ET TERRORISTE EN HAÏTI
- Des mercenaires engagés pour dévaliser la BRH
- Des millions auraient pu être emportés par une autre équipe; Le Premier ministre serait-il sur la liste des victimes ? Par Léo Joseph
L’arrestation par la Police nationale d’Haïti (PNH), dimanche soir (17 février), de sept ressortissants étrangers, dont cinq Américains, un Russe, un autre originaire de la Serbie-et-Monténégro, avec un Haïtien, a permis d’exposer une vaste conspiration orchestrée par Jovenel Moïse et son équipe pour dévaliser davantage le pays. Car les huit hommes appréhendés et les douze autres toujours en cavale avaient pour mission d’emporter une partie des USD 760 millions $ de réserves de la Banque de la République d’Haïti (BRH). Voilà pourquoi de grands ténors du régime Tèt Kale se sont jetés à bras raccourcis sur le directeur général de la PNH pour le contraindre à les libérer.
Bien que les hommes du pouvoir se soient évertués à dérouter l’opinion publique quant à la vraie mission des mercenaires, des sources crédibles de la Police nationale ont fait savoir que, de concert avec le Palais national, ces hommes avaient pour mission d’emporter une bonne partie des réserves en dollars de la BRH, qu’ils devaient transporter immédiatement vers une destination in connue. D’autres sources, égale ment dignes de foi, ont révélé qu’une autre équipe de mercenaires auraient pu réussir à enlever un montant non déterminé des coffres-forts de la Banque centrale.
On n’a pu encore, jusqu’ici, déterminer comment ces hommes ont pu avoir accès à la banque, dans la nuit du dimanche, car ni le gouverneur général de la Banque des banques ni aucun autre responsable de celle-ci ne s’est encore prononcé publiquement sur l’incident. Toutefois, des sources autorisées laissent croire que des officiels du gouvernement en place, notamment Jean Fritz Jean-Louis, ancien membre directeur de la campagne électorale de Jovenel Moïse, puis devenue représentant électoral auprès de la primature, ensuite directeur général de la Loterie nationale, accompagnait les mercenaires. C’est pourquoi il était le premier à plaider pour qu’ils soient laissés partir avant même d’être conduits au commissariat de Port-au-Prince. Il est probable que d’autres responsables de la BRC soient présents pour leur faciliter l’entrée.
Désavoués par l’ambassade américaine
Les pressions exercées sur les policiers, immédiatement après l’arrestation des huit hommes, n’ont pu empêcher de faire acheminer les prisonniers au commissariat de Port-au-Prince. Entre-temps, d’autres personnalités du gouvernement sont arrivées sur les lieux pour renforcer la même démarche. On apprend que le ministre de la Justice, Jean Roudy Aly, avait chargé l’ex-commissaire du gouvernement Ocnam Clamé Daméus de mettre encore plus de pressions sur les responsables de l’institution policière pour que les mercenaires soient libérés. Une autre grosse légume de l’administration Moïse-Céant, Ardouin Zéphyrin, ex-ministre de l’Intérieur, ajoutait sa voix à celle des autres pour obtenir la libération des hommes. Les pressions sur la Police s’étaient intensifiées d’heure en heure, car comprenant les enjeux de la situation, ayant totalement pris de court les planificateurs de cette opération, le Palais national mobilisait toutes ses ressources en vue de sortir les mercenaires de l’influence de la Police.
Entre-temps, les représentants de Jovenel Moïse envoyés pour faire libérer les huit individus se sont retrouvés dans une situation qui les portait à mettre de l’eau dans leur vin par rapport aux pressions qu’ils faisaient sur la direction de la PNH. Ils ne s’attendaient pas à trouver au moins un cameraman qui ne cessait de filmer, captant l’image de ceux qui s’activaient pour obtenir la libération des prisonniers.
Il faut signaler aussi que des informateurs circulant au sein de l’institution policière ont indiqué qu’à un certain moment les mercenaires ont déclaré qu’ils étaient en mission pour le « Département d’État ». Sur ces entre-faits, fait-on savoir, le DG a téléphoné à l’ambassade américaine pour savoir si la responsable de la diplomatie américaine en Haïti était au courant de la présence sur le terrain d’hommes se disant au service du Département d’État. Mais la réponse a été donnée environ deux heures plus tard : « Ne lâchez pas ces hommes ».
Au fort des pressions exercées par les hommes du pouvoir, pour faire lâcher des prisonniers, par le directeur général de l’institution, ils ont mis en avant une autre proposition aux responsables de la Police : libérer les hommes sans les armes. Mais craignant ce que pourrait cacher cette enchère, le DG et l’état-major de l’institution policière n’ont pas donné dans le panneau.
Des millions emportés par une autre équipe
Des rumeurs lancées à la capitale haïtienne, le lendemain de l’arrestation des huit hommes, faisaient état du débarquement des mercenaires à bord d’hélicoptères qui les avaient débarqués aux Cayes. En réalité, le trajet par hélicoptère s’est effectué à rebours, car d’autres sources également crédibles ont révélé qu’une autre équipe de mercenaires au raient réussi à prendre possession de plusieurs caisses de billets verts avant de s’embarquer à bord d’un hélicoptère qui les auraient transportés aux Cayes.
Selon toute vraisemblance, cette dernière équipe devrait avoir établi un lieu de rendez-vous avec des complices disposant de moyens de transport pour les évacuer d’Haïti. D’aucuns pensent que leur destination pourrait être la Jamaïque, pays le plus proche des côtes méridionales d’Haïti, se trouvant en face de Dame-Marie, dans le département de la Grande Anse.
Fuite avortée de Jovenel Moïse
Les choses ont terriblement mal tourné pour Jovenel Moïse et son équipe, à la faveur de l’arrestation de ces mercenaires. Puisque, selon des sources diplomatiques, le président haïtien devait s’enfuir clandestinement du pays, consécutivement à l’enlèvement avec succès de la BRH de la forte somme d’argent convoitée. Ce qui laisse croire que si l’autre équipe a effectivement réussi à accaparer de l’argent, le montant ne suffirait peut-être pas pour favoriser la concrétisation du plan de fuite.
Il est aussi possible que l’ajournement sine die du projet de départ ait été abandonné suite à un cafouillage intervenu dans la mise en application du projet sur le terrain. On doit constater que cet incident soulève beaucoup de questions, notamment en ce qui concerne le rôle assumé par des membres du gouvernement cherchant à brouiller la piste de l’enquête, la responsabilité des mercenaires, aussi bien que celle des membres du gouvernement`
Tout au début, Jean Fritz Jean-Louis avait déclaré que ces hommes avaient l’habitude de travailler pour la BRH et que c’était dans le cadre de leurs activités pour le compte de cette institution qu’ils se trouvaient sur les lieux. D’autres membres du gouvernement ont abondé dans le même sens. Mais plus ils cherchent à trouver des excuses davantage leur participation au projet est exposée.
Il semble qu’un autre membre du gouvernement ait justifié la présence des mercenaires à la BRH en disant qu’ils n’avaient pas été embauchés par la BRH. En effet, on apprend qu’un des véhicules qui se trouvaient en possession de ces hommes appartient à M. Jean-Louis, suivant le papier de vente fourni par Berhmann Motors. L’autre est enregistré au nom de Magalie Habitant, indique un autre document de vente acheminé à la primature par le même concessionnaire. Mme Habitant, une autre proche de la famille présidentielle, mambo comme elle, qui fréquente la même chapelle vaudou que la première dame, l’avait fait nommer directrice de l’organisme responsable du ramassage des déchets solides pour la ville de Port-au-Prince.
Soulignons que le Premier ministre Jean Henry Céant s’est désolidarisé d’autres membres du gouvernement qui ont pris la défense des mercenaires, en prenant le contre-pied de l’argument avancé par Jean Fritz Jean-Louis.
En effet, selon des déclarations faites par le patron de la primature au micro de Miguel Marquez, journaliste à la chaîne de télévision CNN, les dirigeants de la BRH ne connaissent pas les mercenaires et ces derniers n’avaient aucune intention de voler la Banque centrale. M. Céant a révélé qu’ils voulaient monter sur le toit de l’immeuble afin de dominer ceux logeant la primature et celui abritant le Parlement.
D’aucuns résonnent différemment pour dire que Moïse et Céant sont en conflit ouvert autour de la démission de ce dernier exigée par le président, mais le Premier ministre refuse catégoriquement d’obtempérer à la demande de la présidence.
D’autre port, des observateurs pensent que si les mercenaires se mettent en tête de faire feu sur la primature, il est possible qu’ils prennent le temps de penser sérieusement à un tel acte qui causerait des dommages à un immeuble qui appartient aux Américains. Car le gouvernement américain a offert l’usage de sa propriété à Haïti. Mais il n’a pas encore pris la décision de le donner en cadeau au peuple haïtien.
Quel carnage allait orchestrer ces hommes ?
Tenant compte de la qualité des armes dont disposaient les mercenaires, il y a fort à parier qu’ils allaient provoquer des dégâts matériels énormes aussi bien qu’en termes de vies qu’ils auraient fauché. On parle d’une liste de personnes à abattre qu’ils auraient eue en leur possession.
Mais quand il laisse croire qu’ils voulaient avoir accès sur le toit de la Banque centrale, afin de dominer la primature et le Parlement, le Premier ministre émet l’idée que les mercenaires avaient également une mission d’assassinats contre lui et des membres du Parlement.
Si effectivement ces objectifs étaient dans leur plan, ces hommes, qui sont des experts en matière d’armement, et dont certains sont des tireurs d’élite, auraient les possibilités d’accomplir les deux tâches. Pour l’instant, telles sont les informations disponibles relatives à la mission de ces hommes. L’affaire devrait s’éclaircir au fur et à mesure que l’enquête en cours permet de jeter la lumière sur les zones d’ombre.
Pour l’instant, il est certain que le pouvoir a commandité cette mission criminelle et terroriste. Quand on se rappelle que Jean Henry Céant a résisté systématique aux pressions mises sur lui par Jovenel Moïse et son équipe pour qu’il démissionne, l’accusant de fomenter la rébellion générale contre Nèg Bannan nan, pour qu’il quitte le pouvoir lui-même, afin que le Premier ministre le prenne à sa place, il n’est pas farfelu que Moïse veuille se débarrasser du notaire.
D’autre part, vu la rareté de devises qui bat son plein en Haïti, Jovenel Moïse et ses proches collaborateurs, voulant s’expatrier pour ne pas tomber victimes de la vindicte populaire, se soucient énormément de n’avoir de fonds en devises à leur disposition. Surtout au moment où toutes les attentions et les regards sont fixés sur leurs activités financières et bancaires, et à l’heure des revendications par rapport au vol du Fonds PetroCaribe et des dénonciations globales de blanchiment des avoirs. Car tous ces gens qui ont fait fortune aux dépens de la caisse publique, de Michel Martelly et Laurent Lamothe à Patrick Noramé, en passant par les personnes épinglées dans le dossier PetroCaribe, craignent de toucher à leurs comptes en banque pour ne pas éveiller de soupçons contre eux. Surtout encore que les autorités dominicaines ont fait geler les comptes en banque de plusieurs autorités, passées et présentes, des dernières administrations haïtiennes. En un mot, le besoin de devises se fait beaucoup sentir chez les hommes et femmes du pouvoir. Et cela a beaucoup de sens qu’ils aillent les chercher là où elles existent.
Signalons aussi que les passeports des étrangers appréhendés par la Police nationale, le dimanche 17 février, n’ont pas le sceau d’entrée, une violation de la loi internationale sur l’immigration. Ces gens sont entrés illégalement sur le territoire haïtien.
On apprend en même temps, de sources proches de la PNH, que ces mercenaires sont entrés en Haïti depuis le mois de novembre. Il serait, dit-on, impliqué dans la campagne de répression contre les manifestants dont certains ont été tués par balles reçues à la tête.
Des spécialistes de bris de serrure des banques
On aurait tort d’ignorer la volonté des mercenaires d’alléger la BRH de quelques millions de dollars. Car ce n’est pas par hasard que deux parmi eux sont des spécialistes de bris de serrure des coffres-forts des banques.
En effet, un vétéran d’Afghanistan, qui a vu les photos de ces hommes, a immédiatement identifié deux d’entre eux comme étant ses frères d’armes durant cette guerre. Selon lui, ils faisaient partie de l’équipe préparatoire. C’est-à-dire ils précèdent le lâchage des premières bombes.
Aussi profitent-ils toujours des dernières minutes qui précèdent cette phase des opérations militaires pour pénétrer dans les banques et se livrer au pillage d’objets précieux qui s’y trouvent. Puis ils envoient leurs butins à des destinations qu’eux seuls connaissent.
À la lumière de ce dernier témoignage, on peut dire que ce n’est pas par hasard que ces hommes se retrouvent à la BRH, le dimanche 17 février 2019.
Collaboration spéciale avec l’hebdomadaire Haïti-Observateur, édition du 20 fév. 2019 version pdf et cet article se trouve en P. 1, 2, 4 à : http://haiti-observateur.ca/wp-content/uploads/2019/02/H-O-20-fev-2019.pdf