LA DOUBLE NATIONALITÉ ET LA CONSTITUTION HAÏTIENNEpar Léo Joseph
- Martelly et Lamothe : Passeport américain
La question de la double nationalité, agitée avec passion, au début de la présidence de Michel Martelly, n’a toujours pas été élucidée. Le débat qu’avait suscité te dispute s’était calmé des semaines plus tard pour finir en queue de poisson à la suite de l’intervention de l’ambassadeur américain à l’époque, Kenneth Merten, aujourd’hui sous-secrétaire d’État aux Affaires latinoaméricaines et caribéennes. En réalité, dans la mesure où la Constitution haïtienne interdit la double nationalité, la présidence de Martelly sombrait dans l’illégitimité totale. Cela signifie que, même ceux qui s’arrogeaient le droit, comme M. Merten, d’affirmer que M. Martelly n’ « est pas citoyen américain », seraient potentiellement tenus pour responsables devant une cour de justice. Cette possibilité explique pourquoi tous ceux qui se savent concernés, dans cette affaire, inventent toutes sortes de moyens pour empêcher que la vérité éclate.
La principale transgression de Sweet Mickey est celle d’avoir menti systématiquement pour dire qu’il n’a jamais détenu un passeport américain. Alors que tous les membres de sa famille possèdent la double nationalité, le passeport américain étant leur document de voyage de prédilection.
Laurent Lamothe
En effet, durant la campagne électorale, le candidat du PHTK n’avait aucune gêne à utiliser son passeport américain lors de ses déplacements à l’étranger.
C’est donc à l’occasion d’un de ses périples aux États-Unis qu’a été révélé le secret entourant sa citoyenneté. On ne peut vraiment pas comprendre pourquoi il n’avait pensé à utiliser un passeport haïtien. Tout semble que la décision de présenter son passeport américain au port d’entrée aux États-Unis s’inspirait de l’allègement des formalités de débarquement dont bénéficient les citoyens américains, par rapport aux citoyens d’autres pays. Mais Michel Martelly et les autres passagers qui voyageaient avec lui n’avaient aucun problème à soumettre son passeport américain. De même que Laurent Lamothe.
Premier voyage dans un jet privé
Mis en ballotage avec Mirlande Manigat, après que, à l’instigation de la secrétaire d’État Hillary Clinton, Jude Célestin (le candidat officiel de René Préval) eut été écarté, le candidat Martelly se proposait d’effectuer un voyage en Floride. Ayant repoussé l’idée d’y aller à bord d’un avion commercial, il décida d’utiliser le service d’une compagnie de jet privé basée à Fort Lauderdale.
Il semble que les règlements de la Federal Aviation Administration (FAA) exigent que le préembarquement soit effectué au moins 24 heures avant le dé collage du vol de l’aéroport d’embarquement des passagers. C’était pour se conformer à ces exigences que Martelly et sa suite ont été obligés de produire leurs documents de voyage. Sweet Mickey s’apprêtait à effectuer son premier voyage à bord d’un jet privé, il tenait à suivre à la lettre tous les prérequis établis.
Selon des sources absolument crédibles, tous les passagers qui se trouvaient à bord de ce vol étaient des citoyens américains. Autant dire, tous devaient acheminer à la compagnie des photos copies de leurs passeports.
Sur ces entrefaites, Martelly envoya une copie de son « passeport américain ». Même chose pour Laurent Lamothe. Et le musicien haïtien Pras Michel. Le quatrième passager, Richard Moss, le cousin de Sweet Mickey, qui est aussi le propriétaire de l’hôtel Oloffson envoya aussi le sien. Comme on sait, Martelly, Lamothe et Moss ont déclaré être des résidents d’Haïti. Tandis que le quatrième passager, Marc Blaise, s’est porté résident aux États-Unis. Ayant décollé de l’aéroport international Toussaint Louverture, à Port-au-Prince, à destination de Tampa, le jet atterrit d’abord à Miami. Michel Martelly et les trois autres compagnes de voyage se présentèrent à l’immigration pour les formalités de routine. Les documents en bonne et due forme, ils sont remontés à bord de l’avion pour leur destination finale, Tampa, aussi en Floride.
Trois objectifs
Le but principal de ce voyage consistait à rencontrer des hommes d’affaires qui avaient manifesté un certain intérêt au candidat Martelly. Aussi voulaient-ils avoir une réunion avec lui afin d’évaluer les possibilités de lui arracher des avantages en lui faisant miroiter les perspectives d’investir en Haïti durant sa présidence.
Martelly voulait également s’entretenir avec les responsables de North Florida University qui avaient un projet de participation d’étudiants à un programme d’échange entre cette institution et l’Université d’État d’Haïti.
En troisième lieu, le candidat voulait rencontrer la communauté haïtienne de Miami, dans le cadre d’une réunion que ses partisans allaient aménager.
Quant à Laurent Lamothe, il ne semble pas avoir voulu donner l’impression qu’il était un citoyen de seconde ou troisième catégorie. C’est pourquoi il avait retiré sa carte électorale. En sus d’avoir fait de généreuses contributions à ses candidats américains préférés.
Jusqu’ici, la justice haïtienne reste muette sur la double nationalité, en particulier par rapport au cas Michel Martelly. Avec cette attitude nonchalante, sinon franche ment démissionnaire, affichée par les responsables de la justice, la Constitution et les lois du pays sont pratiquement jetées aux oubliettes. Il est donc aisé de comprendre pourquoi Michel Martelly et Jovenel Moïse ont bourré l’administration publique de ressortissants étrangers aux plus hauts niveaux.
Si Michel Martelly persiste en entretenir ce mystère autour de sa double ou triple nationalité, il n’y a aucun doute que la preuve qu’il détient la citoyenneté américaine traîne encore dans les bureaux de l’immigration américaine. Peut-être même haïtienne; aussi bien dans celui de cette compagnie aérienne qui assura son transport de Port-au-Prince à Tampa, après escale à Miami, en 2011.
Collaboration spéciale Haïti-Observateur/International Diplomat Canada. Cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur, édition du 26 décembre 2018 et se trouve en P. 1, 2, à : http://haiti-observateur.ca/wp-content/uploads/2018/12/H-O-26-december-2018.pdf