par Heidi FORTUNÉ Magistrat, Juge d’Instruction Cap-Haïtien – Aujourd’hui, certains pensent que Haïti, avec un Président élu au suffrage universel, un Gouvernement, un Parlement, une force de police pour rechercher les auteurs des infractions et des Tribunaux pour régler les conflits sociaux, est une démocratie. Ceux-là qui partagent cette idée se posent très rarement la question du « comment ». Comment fonctionnent toutes ces institutions ?
À travers les trois pouvoirs que sont l’Exécutif, le Législatif et le Judiciaire qui constituent le fondement même de l’État, nous avons une accumulation de comportements qui sont inacceptables. Tenez ! Quand, le plus sérieusement du monde, le Gouvernement fait fi des décisions judiciaires, que dans les couloirs du Parlement on achète des votes ou qu’au niveau des Tribunaux, la justice se vend aux plus offrants… sommes-nous encore en démocratie ?
On peut bien construire des lycées, alphabétiser les masses rurales, former des professionnels par dizaines de milliers; l’Université peut se bien porter, les églises peuvent être bondées, la tempérance peut gagner du terrain, et la connaissance, au sens large, se répandre à pas de géant ; mais tant que la justice sera dans l’état d’abjection dans lequel elle se trouve présentement, on ne pourra compter sur un redressement moral dans ce pays.
Les valeurs morales ne peuvent que régresser et régresseront d’année en année ; le sentiment populaire ne peut que se dégrader d’année en année ; l’Exécutif, le Législatif et le Judiciaire ne pourront, d’année en année, que se déconsidérer aux yeux des honnêtes gens ; et d’année en année, la mémoire des Pères de l’Indépendance sera toujours plus outragée par la mauvaise foi de leurs enfants dégénérés.
Croyez-moi, l’espoir de voir changer les choses de l’intérieur s’amenuise de plus en plus. Une autre Haïti n’est pas possible pour le moment car les exceptions confirmant la règle de la corruption sont en quantité trop négligeable. Même ceux qui prétendent représenter la population se laissent corrompre… Il y a trop de vers dans le fruit.
Une autre Haïti sera possible quand chacun, avec ses qualités intellectuelles et morales, pourra accéder à n’importe quelle fonction publique sans préalablement ramper et plier le genou. Une autre Haïti sera possible quand le Gouvernement s’engagera à lutter véritablement contre la corruption, en particulier, celle pratiquée aux plus hauts niveaux, et à améliorer la transparence et l’imputabilité.
Une autre Haïti sera possible quand la production nationale sera relancée ; quand le règne de l’impunité aura pris fin ; quand la justice sera indépendante ; quand les parlementaires impliqués notamment dans le narcotrafic et les agents publics corrompus, auteurs de malversations, seront traduits par-devant les tribunaux ; et quand les lois contre la corruption, la drogue et le blanchiment d’argent seront applicables à tous.
Quand tout homme de mérite aura droit à un début de considération, alors nous croirons que nos dirigeants sont en train de recouvrer la raison. Mais tant que les choses restent comme elles le sont, qu’un homme seul pose sa main sur toutes les fonctions de l’Etat, de la Magistrature Suprême au simple gardien…rien ni personne ne nous fera croire en des horizons meilleurs. DocHaït/29-01-09