TROUILLOT : << j’en ai marre du ronron des prophètes de malheur… >>.
- Il vaut mieux en rire qu’en pleurer. Lyonel Trouillot se plaint au nom de :
- << Nous n’avons pas fait que le pire…>>
- Mais monsieur Trouillot ouvrez donc l’œil ! par Dan Albertini –
Permettez monsieur Trouillot ! On ne se connaît pas mais je vous aurais pris pour l’apologiste du prophète de Port-au-Prince, ma ville zenglendeuze. Tout un théâtre, toute une écriture, tout un …ckÉtienne. Ce n’est plus la faute de l’un quand l’autre suit le courant établi ? Je m’étais fait à l’idée que l’œuvre ne datait pas d’aujourd’hui. Ce que nous avons fait c’est d’avoir écarté, ostracisé, poussé à la nigauderie ceux que nous jugions, d’un air hautain. C’est pire que le pire. Je ne vous connais pas, je ne risque donc pas prétendre vous évaluer, je vous ai lu dans les alentours de 95-96 et un peu, peu après. Je ne fais pas dans la polémique mais nous pouvons dialoguer. S’abstenir est un droit et je le sais.
Au fait, étiez-vous au courant que Tabou Combo a chanté le 8ième sacrement, que nos paysans sont pour la plupart des troubadours, sans papier devrais-je rajouter, des créoles qu’une certaine classe ignore, dissout ? Ce n’est que trop peu pour des pécheurs impénitents qui se veulent récipiendaires des effets du verbe Absoudre. Nous sommes dans la logique de l’énoncé dénoncé, pas de politicard je vous assure. Voyez, j’ose, que des gens, mieux, Corvington ose dire à un de vos confrères écrivains : << maintenant, tu es des nôtres… >>. Patientez, comprenez ! Parce qu’il avait engendré de petits mulâtres, de mère »blanche », étrangère. Le romancier n’a eu d’autre choix que de pendre Port-au-Prince, le Port-au-Prince de Corvington, dans l’alphabet de genres.
Va, pour les civilités mais le civisme avant tout, dans le respect que j’estime vous devoir, en République – face à face. On en a fait que trop dans le malheur. Je veux parler d’une certaine génération, d’une certaine élite, d’un groupe restreint, de l’esprit clanique – Il y en a autour de l’historien. D’ailleurs, comme vous le dites si bien, c’était une de ces rencontres d’écrivains. Il y a les autres Créoles : des Alci-blagueurs de la littérature orale qu’on n’a pas su encadrer, des paroliers de la musique peu nombreux soient-ils, du lyrisme d’un réaliste merveilleux dans la peinture. Sortir d’un réalisme merveilleux étendu sur un urbanisme imaginaire, une médecine engourdie, des sciences de superstition, faire en profiter pour passer à plus élevé, ce serait progresser – Gates aurait dit démocratiser -, l’en empêcher, c’est commettre le pire. Nous en sommes encore là, je vous comprends mais, tout cela est aussi Haïtien.
Je vous comprends – Crucifier Haïti relève certes de l’aberration, c’est une terre, c’est de l’eau, ce sont des montagnes, des champs et des rizières. Des rizières détruites, quand ce n’est pas la canne qu’on a voulu éradiquer de notre production agricole nationale au profit d’une importation. Une dérive dont la source est en amont de nos consciences – il semblerait que nous sommes à personnalité multiple. C’est un triste constat mais ce sont des hommes qui en sont pour cause. Des Haïtiens. Des locataires Port-au-Princiens. Nos enfants ne peuvent plus étudier au pays, il sont obligés de quitter pour aller ailleurs, sans projet de retour. Nos citoyens ordinaires ne rêvent plus si ce n’est de quitter, foutre le camp !
Je corrobore. Jusqu’à un certain point ! Mais, l’identité haïtienne est, non sans reproche mais plus forte à l’extérieur qu’à l’intérieur. Le monde le sait. On se comprend mieux, quand on devient gouverneur général d’un pays du grand Nord ou ministre de la santé sur une autre côte où cela fait peu, c’était NO BLACK, vous savez le reste ! C’est malgré tout, à notre éducation haïtienne qu’on a fait honneur. On s’est battu envers et contre tous pour la conserver, l’affirmer. Nous faisons face à l’enclume de » l’accueil » mais le marteau venait d’où, devinez ! Ce sont les nôtres qui nous traitent de » diaspo » pour nous écarter de la chose nationale. C’est aussi ça le pire !
Il y a certes plus d’une déflation. Les valeurs s’affectent et se désaffectent. Riez, riez-en monsieur Trouillot ! Ca fera du bien car des larmes de crocodiles empêcheront de voir ce qui en disent ou en font. Du bien, permettez. Quand vous dites : << Je ne sais plus lequel de nous, …poussant au fatalisme, nous trouvait tous laids…>> Il fallait continuer en : << vérité sou tambou >> s’il est le seul laid. Laid dans ses pensées, laid dans son esprit, laid comme son nom peut-être. Qui est-il, il est sûrement Nous !
Vu d’un autre angle – << Nous n’avons pas fait que le pire >>, << soit un cumul de qualificatifs plaçant un peuple entier dans une assiette identitaire faite de cupidité, d’échecs et de mensonges. >>. C’est loin d’être une opinion partagée, je la prendrais, plus près des petites autocensures, de l’autodérision aussi, qui sanctionnent des attitudes mesquines quotidiennes de plusieurs d’entre nous. Plus d’un peuple le fait. Mais comme vous le dites, vous étiez des Haïtiens, non pas la Nation.
Une référence citée – << Dany Laferrière, avec ce sens des réparties dont il a fait sa marque, lui rappelait que nous n’avions pas produit que le pire. Quand on y pense, si devant la lâcheté ou la corruption on prend le risque de dire << c’est haïtien >>, on devrait courir le même risque face à l’honneur et au courage. >>. D’abord Dany ! S’il se protège aujourd’hui, par une effet identitaire incontournable qui le rattrape, il n’en a pas toujours été ainsi. Il fut un temps où il ne se gênait pas sur les ondes à Montréal pour se détacher de la bande. Ne s’identifiant pas à » nos conneries collectives » nous les menteurs. Dany, c’est toujours Dany qui doit paraître. Il se reproduit, détaché pour ne pas »ressembler », il y était n’est-ce pas ! Mais combien de fois s’est-il affranchi de l’autre côté pour encenser ceux qui de nous faisaient : bien ! En fait, demandez-lui pourquoi n’avait-il pas osé à travers les colonnes du quotidien La Presse quand Santana interprétait Mabouya de Tabou Combo, au Superbowl en 2002, peu avant le Shoubadou Show au St. Denis 2. Il avait refusé pour ne pas faire trop haïtien. Ceux qui pourtant ne se gênaient pas pour faire l’apologie de la chanteuse Céline Dion, une diva québécoise disait-on, Claude Deschênes en a offert plus que ça à la télé, au seul chanteur Shoübou de passage à Montréal. Il a fallu du fort, du Michaëlle Jean, pour que »sans se fatiguer… » soit des nôtres par défaut.
Je suis tout à fait d’accord d’épargner nos enfants, les dieux. Mais, soyez assuré, curieux phénomène, les enfants nés à l’étranger, ceux qui ont été adoptés par des étrangers, aiment le pays au point de s’identifier à sa culture, non pas par rejet de leur société d’appartenance mais en tant que richesse. Richesse culturelle. Le discours dénoncé est donc la norme pour certains clans. À ne pas confondre, il est aussi la norme pour des moments de reproches fantaisistes. Deux attitudes différentes. Il est par contre vrai que des politiques l’assument. La faute aux fautifs.
Il ne faut pas oublier que pour descendre Duvalier et tous les autres chefs d’état subséquents, nous avons collectivement crucifié Haïti. Rappelez-vous, c’est de l’aberration. Détruit l’identité haïtienne pour ne leur laisser que : cendres et misères. De la terre brûlée, rien de décent à gouverner. C’était un théâtre, une poésie, une littérature. Des critiques acerbes emportant, inondant, ceux qui risquaient d’applaudir les bons coups. Une façon de penser que nous n’avions pas su neutraliser par un projet de société. Hier c’était l’autre, aujourd’hui c’est Gérard Latortue. Le crachat retombe sur la tête de celui qui…. . Effet binaire d’une notion politique.
Cependant, je ne comprends pas la juxtaposition de : << la manif et le suicide >>. Il y a paradoxe. Suicidaire dans l’incivisme pour ce qui est de fuir par des moyens inadéquats mais, manif à l’extrême parce que l’Haïtien préfère braver les hautes mers que de mourir, bête, sur place.
Vous poursuivez : << L’attitude révolutionnaire (n’ayons pas peur du mot) consiste de préférence à dénoncer le pire, les pratiques inacceptables, pour ce qu’elles sont, inacceptables, et non de les brandir comme typiques d’une haïtianité de la catastrophe. >> N’est-ce pas, sans vouloir lui enlever ses mérites, mérites que nous lui avions toujours reconnus, l’éducation Frankétienne. Il faut le dire, à moins qu’il ait été celui qui…. . L’homme de la rue est le plus souvent, vite rattrapé par cette éducation qui dégage aussi son effet boumerang.
L’ordre Républicain – Du Bel Air à la Citée par une vue de Boutilier, c’est la République. Quand une école se transforme en dépôt de riz, le mercantilisme n’apporte pas nécessairement la culture, encore moins l’espoir quand il ressemble à de la spéculation, ici comme ailleurs. Il y en a de ceux qui, faute de meilleur, sur quoi ils se sont forgé un nom, n’arrivent pas à retenir même leurs enfants dans le pays. Des enfants haïtiens. Il ne faudrait pas accuser les autres à vouloir broyer du noir, la mesure est : civisme et incivisme. C’est là le vrai baromètre ! docHaïti/20-12-05
http://reseauhem-archives.xyz/dochait_trouillot_j_en_ai_marre.htm